Le concours de valorisation de l’excellence Normande !

PORTRAIT

Membre du jury 2023

mar., 9 mai 2023

‍    Le chef vient de la Brie, nichée entre les vallées de la Seine et de la Marne. Il tombe dans la marmite grâce au «fin cordon bleu» qu’est sa maman. «Elle notait tout dans un carnet afin de ne pas servir deux fois le même plat à ses invités». Dans le giron familial, quelques secrets gardés se sont déjà vus transmettre auprès de la jeune génération comme une mousse au chocolat ou une charlotte aux noix, car il est impensable de perdre un tel héritage. Choisir la cuisine pour en faire son métier relèvera d’une évidence ; «celle du partage et de l’intérêt pour l’autre» tout en répondant à ce qu’il a toujours entendu chez lui, «faire de son mieux».


Après l’école Ferrandi, il entre en tant qu’apprenti dans les cuisines du Mercure Galant au palais Royal. Il s’y rappelle ses premiers pas avec son maître d’apprentissage Pierre Ferranti qui avait fait les Beaux-Arts, «un artiste». Il intègre ensuite Le Royal Monceau auprès du chef Gabriel Biscay (MOF) «paternaliste et fabuleux professionnel», puis la Truffe Noire aux côtés du chef étoilé Jenny Jacquet. Thierry fait son service puis entre au Quai d’Orsay en 1989, sous le ministère d’Alain Decaux. Il travaille avec les chefs Le Faou puis Jean Sabine avant de prendre les commandes des cuisines du Ministère. En totale cohérence avec son contexte professionnel, Thierry est également co-président de l’association des Cuisiniers de la République Française qui a pour but de promouvoir la gastronomie française et ses savoir-faire dans le monde entier. 


Etre chef des Cuisines du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères induit une perception de la bonne table qui n’est jamais anodine. Le service est à la française, de l’entrée au dessert. On retrouve l’esprit des maisons bourgeoises où les convives se servent, ayant à disposition les pinces de service, engageant un autre rapport avec leurs voisins de table comme celui du partage… La liberté de choisir œuvre aux rapports diplomatiques. Gilles Bragard écrivait «la politique divise souvent les hommes, mais la bonne table les réunit toujours». Tout est pensé. La présentation des plats est étudiée afin que la lecture de l’assiette par le convive reste claire même et surtout si c’est lui qui la compose. Les sauces à part, la portion «de plus» afin de ne pas mettre mal à l’aise le dernier convive… La courtoisie et l’élégance française demeurent aux avant-postes. 


Finaliste par deux fois des MOF, le chef met un point d’honneur à travailler avec les producteurs français et à valoriser leurs produits, tout en étant garant de coûts tenus. «Les produits nobles sont de plus en plus remplacés par des produits où la forte valeur ajoutée va faire la différence». La contrainte d’innover tous les jours s’appuie sur de belles mises en valeur de produits dits «standards» comme des œufs ou des asperges, même au plus haut niveau de l’Etat. Thierry Charrier privilégie le terme diplo-gastronomie. «Elledépasse les frontières et reflète vraiment notre savoir-faire français. On doit pouvoir retrouver son empreinte».


Faire rayonner la Maison exige des inspirations. «On n’invente pas la cuisine, il faut des bases pour la décliner au maximum». On dépoussière une cuisine dite classique, avec des mets re-visités, des sauces allégées. On travaille en respectant la saisonnalité, «chercher le produit là où il est le meilleur, comme les agrumes en hiver». En allant piocher dans sa bibliothèque, le chef nous montre quelques-uns de ses «vieux grimoires» comme il les appelle, où des iconographies anciennes viennent étayer les recettes. Il précise «qu’il y a eu du beau monde qui est passé ici». On songe àTalleyrand dont un certain Antonin Carême mettra en œuvre une «gastronomie diplomatique». Il cite également Joël Robuchon et Auguste Escoffier dont le chef a la devise dans son bureau, agrafée juste derrière lui. « La cuisine française est non seulement une science mais un art, peut être une des formes les plus utiles de la diplomatie».


Son souvenir le plus marquant est ce déjeuner officiel de clôture, souhaité par Laurent Fabius qui doit accueillir 171 chefs d’état lors de la COP21 (21e Conférence des Parties). Sous la coordination de Guy Krenzer (chef exécutif de la Maison Lenôtre), plusieurs chefs sont mandatés pour représenter les régions de France et en honorer les produits. Un autre souvenir exceptionnel est cette rencontre avec Nelson Mandela, accueilli à sa sortie de prison au Château de la Celle Saint-Cloud, qu’il aura la chance de côtoyer pendant près de quinze jours et auprès duquel il éprouve«un profond respect». 


Membre du Jury du prochain Trophée des Léopards, l’apprentissage selon lui commence par «savoir dire bonjour, respecter chacun, tenir les horaires». Aux apprenants, il éclaire sur l’ordre des priorités. «La décoration ne doit pas occulter le temps de cuisson pour un envoi dans les temps». Le message est celui de «se faire plaisir, de transmettre leurs émotions». Il stimule et réconforte. «C’est bien, courageux de se présenter à un concours, de se juger par rapport aux autres, c’est déjà une force et méritant de le faire». 


Il intègre la difficulté du métier, le sens du sacrifice, les contraintes, les horaires, les services avec un stress permanent. « L’école préserve. L’arrivée dans la vie professionnelle est parfois déroutante». Mais la rigueur et le respect se gagnent par le professionnalisme et le retour est centuple, «une cuisine, c’est une famille, il faut prendre soin des uns et des autres». Le chef a pris souvent des jeunes sous son aile, apprécie leur richesse et la nouveauté qu’ils peuvent apporter. Le partage est valeur fondamentale pour Thierry Charrier. La transmission et l’humilité en sont les piliers. 


Un 3e ligne en Rudby forme une zone défensive. Il a pour mission de tuer l’attaque dès son lancement. On relève que le mental du sportif a totalement épousé la fonction dans un environnement où tout l’art consiste à éviter le conflit, à l’anticiper.


En ces temps d’incertitudes, il est bon de savoir que certains travaillent chaque jour à poser des ponts entre les hommes. Sous les ors de la République, il y a toujours des cœurs qui battent pour la France et son rayonnement. Ils participent à une pratique et à un art, celui de représenter notre pays. 


Chevalier de la Légion d’Honneur discret et attentif , Thierry est de ceux-là.

«On ne doit jamais rien lâcher»…


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