Le concours de valorisation de l’excellence Normande !
Le berceau se niche dans l’Aisne, entre Soisson et Compiègne auquel on ajoutera une légère pincée belge. C’est dans la ferme familiale, dans le Cotentin que «la mécanique» se met en place. Souvent, sur les bancs de l’école, sa tête file là-bas. De cette région battue par les vents, Rémi se projette dans l’herbe fraîche, de préférence au printemps et laisse entendre comme un poème, « parce que tout est renaissance. Et cette autre, si flamboyante de couleurs, qui va penser à s’endormir… ».
« La cuisine, c’est toujours un souvenir ! ». Son premier plat est pour son grand-père ; des Saint-Jacques aux trompettes. Il commence par un stage à Carteret et apprécie tout de suite « la mer, la terre et les gens ancrés dans leurs racines ». École hôtelière Vatel à Paris puis classes à l’Ecole supérieure de Cuisine française, les expériences chez les étoilés s’enchaînent ; La Maison Blanche, Le Plaza Athénée (par l’entremise éclairée de Monsieur Guy Legay, alors chef du Ritz), Le Grand Véfour (avec Guy Martin), et La Vieille Fontaine. Il croise des grands comme Bernard Loiseau, « qui a des étincelles dans les yeux ». Un ressenti qu’il partage, « je fais mon boulot, je me plais dans ce que je fais ».
En 1997, il reprend les rênes du restaurant Chez Fernand (créé en 1970 par Fernando Peliciari notamment), avec son associé Jean-Luc Rouliere. Le mot de Paul Bocuse, visitant les cuisines, « cela te portera chance » s’avère de bons augures et marque son passage d’une pierre blanche.
Anciennement tenus par un maréchal-ferrant, les lieux sont emplis d’histoires et de tableaux. « Ce sont des instants de vie. Dans ce métier, on est tous un peu artiste. Je suis sensible à ce que fait la main de l’homme. L’art, la nourriture, tout ce combine, c’est aussi du partage ». De fait, il aborde son métier comme un créateur et sait apprécier l’inspiration d’un confrère telle cette rencontre inattendue avec un couscous au homard. « J’ai toujours envie de transformer le produit, de faire différemment. J’essaie de ne pas refaire à l’identique, cela évite la monotonie pour le client qui revient, content de ce qu’il mange ».
La bonne humeur se ressent dans une cuisine généreuse, bourgeoise et authentique, à l’affût d’une vérité. « C’est une cuisine de partage, appuyée de bons produits. On ne triche pas ». L’homme - pour qui la leçon de vie est celle de l’humilité - semble vouloir créer des ponts, en permanence. Dans son métier, le chef poursuit toujours « une belle osmose avec les gens, avec les produits ». Plutôt optimiste de caractère, l’ancien scout au coeur fidèle aime à croiser les vies. « Il y a en chacun quelque chose de bon, un rebondissement pour chacun. Je fuis les préjugés ».
Motard et passionné de mécanique, « parce que cela t’emmène quelque part », sa perception est précise. « La cuisine, c’est comme une machine à vapeur qui démarre ». Le ballet opère sa magie avec «une équipe soudée, volontaire et travailleuse ». Il insiste, «il y a un fil. On est tous là pour le client. Cela passe par l’accueil, la propreté, partout, et devant le restaurant ». Cet amour du travail bien fait s’amorce « dès qu’on se lève. Il faut aller tout de suite dans la recherche, dans le travail, dans l’homme».
Bon esprit et rigueur attirent le compliment. Le plus bel adoubement professionnel est celui de Gérard Sallé du Plaza Athénée, « pas mal le clin d’œil sur le Saint-Pierre». Sensible, le chef n’est jamais aussi heureux qu’en recevant la confidence : « c’est exactement ce que j’ai mangé chez ma grand-mère ». Précédant le mur de photographies des amis et des illustres, un tableau, orné de ronds de serviette en bois clair gravés de noms ou de surnoms, laisse présumer de la fidélité de certains… Explicite !
Membre du Jury pour le prochain Trophée des Léopards, Rémi Lebon demande aux apprenants «une belle assiette et une belle valorisation de produits», tout simplement. Question apprentissage, certains jeunes que le chef a accompagné tiennent leurs restaurants et s’alignent pour l’étoile. Rigoureux et sincère, Rémi aime transmettre et «ajouter de l’humanité dans tout ce qui est fait». A ses yeux, les bases et la dextérité sont essentielles. « Il faut être une pieuvre ! Avoir de l’aisance dans le service, ne pas rester bloqué ». La valeur travail est dans les gènes, « Chez les Lebon, on bosse ». Rémi avertit sur les piétinements, les charges, les horaires. «Tu bosses pendant que les autres s’amusent, mais c’est passionnant. Apprends les bases, pars à l’étranger. Il y aura des sacrifices énormes, mais c’est la réalité ».
Il se souvient de plusieurs maîtres d’apprentissage tels Laurent Cesne, José Lampreia (précurseur d’une cuisine moderne), Pierre Vedel et Émile Jung qui ont su chacun enrichir son parcours de leurs connaissances. Les anecdotes sont nombreuses. Il retient celle où il accompagne un copain qui revient de la chasse. «Paul Bocuse qui voit tout, même sur un parking», les apostrophe, « Allez chercher vos chiens, ils vont manger ! »
Chez lui, la table basse est chargée de livres, « il faut que cela me prenne, tout de suite ». Parmi les auteurs, un certain Pennac dont il apprécie les ouvrages pour l’univers évoqué, celui des années cinquante. Il reconnaît son ancien professeur de français leur demandant alors, de décrire une journée de travail. Rémi se voit en cuisine, déjà. La copie est bonne. L’annotation, « j’espère que vos projets aboutiront » sera prémonitoire. Sa mère a gardé la copie. Quinze ans plus tard, Rémi le retrouve, le fait venir au restaurant avec la complicité de Jean-Michel Ribes et lui ménage une surprise. L’auteur, par la suite, lui consacrera une page dans Chagrin d’école, roman autobiographique (Prix Renaudot 2007). Encore un pont lancé et un joli clin d’œil entre les hommes…
Amateur de Vivaldi et de Mozart, il a un verger où quelques pommiers veulent bien donner encore. Bientôt, produire du cidre n’aura plus de secret pour lui. Il plantera fleurs et pruniers pour y retrouver l’espace de son enfance. Enfin, le projet de partir, plusieurs mois, loin, le tient. Surtout ne rien prévoir, tel un Globe-trotter qui a déjà vu la Chine, New York et le tour de la Méditerranée. « Je veux prendre le temps, être dehors, traverser les grands espaces, le Canada, à pied, voir l’horizon ». Le voyage en perspective, il cherche un idéal, alors qu’il ne se dit pas idéaliste. «Aimer les gens, c’est épuisant mais passionnant. Ce qui compte, c’est qu’il y ait un fond heureux chez les gens ».
La tête tournée vers l’horizon, les pieds sur le chemin, il y a chez Rémi le goût de l’autre, de la veine d’un samaritain.
Vous savez, celui qui sait s’arrêter…
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