Le concours de valorisation de l’excellence Normande !
Le normand est attentif et réservé. Sous l’apparente bonhomie, sous la rondeur du geste, le regard aiguisé creuse quand la parole cherche le vrai et l’authentique. Bernard Leprince nous reçoit chez lui, en toute simplicité. Si le mot peut relever d’une éthique constante au cours d’une carrière remarquable et couronnée, la manière s’affiche à l’identique, au quotidien.
Cherbourg. La première image forte de sa ville natale qui s’impose est la statue de Napoléon. «C’était notre point de ralliement, pour aller à la plage, quand nous étions enfants». Dans ses souvenirs d’enfance, la cuisine prend vite l’avantage. Premier essai ;«Ma grand-mère m’avait acheté une petite poêle. J’y faisais griller des tranches de pain». De ses débuts balbutiants, il se rappelle aussi une charlotte, au goût plutôt salé. Dès ses six ans, il sait qu’il a trouvé son domaine. L’avenir lui donnera raison, il ne le quittera plus. Ce sentiment de «plaisir constant» prédominera dans son métier et ne se démentira jamais.
C’est Monsieur Manuel Martinez qui lui met le pied à l’étrier en le faisant monter à Paris. Dès lors, le rythme est donné et la formule récurrente qui l’accompagne comme un écho dans son parcours : «Il faut toujours être au bon endroit, au bon moment » va s’avérer pertinente. S’ensuivent les grands établissements parisiens et les honneurs en enfilade (MOF, Prix Taittinger, Chevalier de l’Ordre National du Mérite, Palmes Académiques, Chevalier de la Légion d’Honneur). Sa plus belle gratification en son cœur ? Il songe à cet hommage reçu, celui de Joël Robuchon qui marche vers lui, le soir du MOF pour lui dire ;«On est sûr que cela va donner quelque chose».
Monsieur Leprince confie ; «C’est un métier qui se vole ! Il faut être curieux, il faut solliciter l’inspiration» et constate «On n’invente rien, mais on met au goût du jour». Observer donne des clefs, amène à réagir. L’un des intérêts du métier est de savoir s’adapter selon les contextes rencontrés. Il retrace quelques voyages ; «Il fallait innover en permanence en Algérie, avec les mêmes ingrédients, se débrouiller entre poivrons et pastèques». Il revoit le Mexique : «Une autre culture, une autre façon de découper la viande, suggérant d’autres ouvertures».
Plutôt que souligner la singularité d’une identité culinaire, il préfère s’attarder sur le terme empreinte. Presque dans un murmure, il lance, le trait aussi précis qu’une flèche : «Le respect se gagne…». Il dévoile qu’il aimerait croire à la portée de la trace laissée dans les mémoires, au respect dans les yeux de ses pairs, de ses équipes, de ses élèves. «Qu’est-ce qu’on veut laisser après ?».
Le don… Le maître-mot ; «Donner du plaisir aux gens, de la gentillesse, de la transmission, de la générosité, les techniques de base… Le don du métier ». Le témoignage infuse…recouvre tout, et relève d’un tempérament entier. «Sensible à un regard émerveillé chez un jeune qui démarre», Bernard Leprince adore trouver du talent, pour «servir à quelque chose, se dire, je n’ai pas perdu mon temps». Il se voit comme un transmetteur de savoir faire, «plus sensible aux détails, avec le temps».
Président d’honneur du prochain Trophée des Léopards, il manifeste son implication constante pour les apprenants. «Qu’ils se renseignent. Il faut aller voir sur les réseaux, se faire plaisir, être créatif». Il ajoute à leur intention qu’il faut «restituer l’appris, travailler simplement, ne pas se polluer l’esprit». Il estime nécessaire l’accompagnement de la jeunesse concernant la discipline. «C’est un métier de rigueur. Ce n’est pas l’armée, quoique… Il faut voir aussi que parfois, les chefs sont comme des pères. Cela m’est arrivé». Aux amateurs, il préconise «une cuisine de famille, ne pas essayer d’imiter, faire une cuisine de cœur».
Quant à l’assiette ; «Elle doit être bonne. On verra après pour qu’elle soit belle. La priorité, c’est le goût !». L’homme de métier observe l’évolution dans la cuisine : «Il faut comprendre la démarche dans l’assiette. Il faut du sens. On raconte une histoire… D’où vient le produit ? Comment on l’a cuisiné ? Attention à une modernité pas toujours contrôlée».
La cuisine est une école de vie. Au sein du Groupe Frères Blanc, Bernard Leprince encadrait vingt-six chefs, quatre-cent-cinquante cuisiniers, dans une vingtaine d’établissements. Désormais, consultant en hôtellerie, restauration et art culinaire, il relève - pour que l’équipe fonctionne - qu’il faut «être reconnu, clair et précis. Avoir de l’empathie, être à l’aise avec les gens. Rester simple, ne pas se prendre pour un héros». Un souvenir en chasse un autre. De ses expériences, il extrait quelques anecdotes. Quand il prête les clefs de sa Harley à Johnny Halliday et que celui-ci la ramène dans le restaurant. Ou cette bataille d’œufs mémorable entre les chansonniers Roucas, Collaro et Holgado dans la cuisine, alors qu’il faut assurer 300 couverts…
Quand il ne se consacre pas à ses autres passions, notamment artistiques (une batterie fréquente quelques planches à dessin), il se plaît à partager son temps entre sa société de conseil, manifestations et événements qui promulguent le métier et ses amis de toujours, Manuel Martinez, Thierry Colas, Thierry Normand, «Monsieur» Guy Legay et Michel Comby, pour n’en citer que certains. Quand ils se retrouvent, «Ce sont des amitiés pures, sans compétitions. Cela fait du bien. On parle de cuisine à l’ombre des anecdotes…».
Monsieur Leprince…
Et si le nom était juste.
Et si nous laissions à Descartes, ce qui vient en tête.
Ainsi les plus généreux ont coutume d’êtres plus humbles.
Ce site web utilise les cookies. Veuillez consulter notre politique de confidentialité pour plus de détails.
Refuser
OK