Le concours de valorisation de l’excellence Normande !

PORTRAIT

Membre du jury 2023

jeu., 16 févr. 2023

‍    Elle vient de se poser, après un service bien cadencé auprès d’une clientèle, souvent d’habitués. Féminine, en tenue sobre et monochrome, elle complète l’allure avec un joli rouge franc sur les lèvres et nous sourit. Tout a commencé avec un sourire justement, celui de Thierry Cambier. Ghislaine Arabian est une femme très intuitive…Fidèle parmi les fidèles, il est toujours à ses côtés au restaurant qu’elle a ouvert à Paris en 2007,Les Petites Sorcières. Avec patience, il va tout lui apprendre du métier. Le professeur offre tout son savoir faire, quand l’élève d’alors répond avec créativité. La profession et la critique sauront faire la révérence, auprès d’une femme de surcroît et sans précédente.


La dame est du Nord. Les origines flamandes sont solidement ancrées, dans le teint clair et blond, dans le phrasé direct, dans la cuisine et surtout dans le cœur. Elle y revient pour reprendre le souffle, arrêter le temps, pour ces mélanges d’odeurs à nulle autre pareille et contourne «Le trop loin, trop longtemps». Là-bas, elle est face à la mer du Nord. «Quand le temps est dégagé, je vois l’Angleterre».


De son séjour chez les religieuses, elle se rappelle sœur Marie-Pierre articulant les dictées. Elle l’entend encore et scande la mimant «Les tomates sont rouges». On pourrait se demander si ce n’est pas là que tout a commencé !


Qualifier la cuisine des Flandres est instantané et d’une fraîcheur infinie : «C’est chouette !» lâche-t-elle avec l’œil rieur. Elle l’incorpore, «Je mets du flamand dans la cuisine française» et en révèle par contraste les caractéristiques. Pas de chichis chez cette femme qui a fait le choix de l’affect pour une alliance réussie des deux cultures.


Bien qu’autodidacte dans le métier, elle assène que l’apprentissage est essentiel ; «La formation est la base de tout. Puis tout se fait au fur et à mesure». Le message aux apprenants est fort et clair : «C’est une compétition d’abord avec soi. Il faut toujours donner beaucoup de soi-même. Ensuite, il ne faut pas se laisser dépasser par les autres». Et l’assiette ? «Elle doit être joyeuse ! Qu’elle m’épate, qu’elle me surprenne, que les papilles rugissent !». Membre d’un jury très impliqué pour le prochain Trophée des Léopards, Madame Arabian a-t-elle un désir ?« Oui, pensez à nos papilles !».


La cheffe n’a pas de carcan dans la tête. Son leitmotiv tient en un mot «Rien d’impossible» et la riposte souvent entendue ; «Comment ça, on ne peut pas !» est bien le relief avoué d’un caractère trempé. «On n’invente pas, on ne recrée pas, onjoue avec la cuisine». Elle aime dire avec humilité qu’elle avance, que la cuisine est un terrain où on évolue en permanence, où on reprend ce qui existe. 

Proust peut aller se rhabiller. La réponse vise toujours le trajet le plus court.Gastronomie ou cuisine, elle tranche, «Audépart, c’est toujours de la cuisine !» A la question, une leçon de vie, elle répond «Lapatience». Quant à un mot qui serait récurrent chez elle, elle répond aussi sec «Merci». A qui l’adressez-vous ? «Aux gens, à la vie !». Un sentiment immuable ? «…Leplaisir toujours, je ne suis jamais rentrée dans ma cuisine sans plaisir».Quant à son métier au quotidien, elle renchérit sa passion ; «J’apporte ce que j’ai envie de faire, je change tous les jours».


Parce que la thématique l’amuse et répond à un souvenir d’enfance, elle a gardé le nom du restaurant Les Petites Sorcières. Elle revoit les feux dressés pour elles une fois l’an. Là-bas, à Gand, on y croit encore. Elle pratique une ironiepince-sans-riredélicieuse et apprécie le décalé. Comme cette anecdote où le cocktail d’un jeune serveur maladroit atterrit sur la tête d’un chauve, lors d’une réception. Il aurait peut être dû faire l’acteur. 


L’aparté vers la magie laisse découvrir une sensibilité artistique derrière ce visage aux yeux qui scrutent et pétillent. Cettefande Nina Hagen (pour son style et ce qu’elle fait) et de Krawerkt, (groupe de musique électronique allemand pour ceux qui devraient en écouter davantage), arbore des Dr.Martens parce que colorées voire lamées, confortables et antidérapantes ! Bien que le penchant pour chausser la couleur soit avéré, en ce qui concerne l’art, l’objet et le volume, Ghislaine affiche un parti pris pour l’épure.


Conférencière par ailleurs, elle aborde des thématiques variées (leadership, management) selon l’angle de son métier. D’esprit synthétique, la célèbre cuisinière a expérimenté une réalité: «En cuisine, l’équipe ne peut pas être dissociée. Il ne faut pas de hasard. Il faut connaître et tenir les clefs». Attentive, elle alerte sur l’emprise des réseaux sociaux, sur les influenceurs qui pourraient dicter le goût, «C’est gênant, cette uniformité !».


Oui, cette femme dit ce qu’elle pense, n’aime pas les fioritures et touche l’essentiel. Dans ses yeux, si on y regarde bien au fond, on peut voir la mer, le plaisir d’être, de vivre et de transmettre. Il y a aussi cette vérité en soi ; ne pas se mentir, ne pas tricher, et une exigence absolue, d’abord vis à vis d’elle-même.


On reprendra ce mot, si simple et presque nu, qui sait reconnaître le bien fait.

Pour ce que vous êtes, pour les portes que vous avez ouvertes…


Merci Madame Arabian.

Merci Ghislaine.

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